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8eme rencontre annuelle du Réseau international des chaires UNESCO

La liberté d’expression à l’ère numérique de l’infox à l’intelligence artificielle

Appel à contribution

La liberté d’expression ne s’use que si l’on ne s’en sert pas (d’après Le Canard enchaîné, journal satirique français)

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La liberté d’expression est un questionnement depuis les premières démocraties : dans l’Antiquité grecque, la cité athénienne avait élaboré un système permettant aux citoyens de s’exprimer, certes avec des limites liées à la notion même de citoyenneté. Plus tard, le développement de la presse écrite, puis celui de la radio et de la télévision ont décuplé les possibilités d’expression, mais aussi augmenté le pouvoir de contrôler plus ou moins cette expression. L’antagonisme entre pouvoir politique et/ou religieux et liberté des médias, des citoyens et des artistes d’autre part, s’est transformé en une lutte quasi permanente.

La première démarche est de questionner le concept même : recouvret-il la même réalité dans tous les pays du monde ? Que faire, dans les démocraties, des limitations apportées ici et là par des lois, règlements ou décisions judiciaires ?

Les évolutions du classement annuel de la liberté de la presse de Reporters sans frontières montre la dimension flexible du concept. Dans ce contexte, l’avènement du numérique et, en particulier, des médias sociaux rebat complètement les cartes. En effet, la possibilité pour chaque individu qui a un accès à Internet de diffuser des informations, le relatif vide juridique créé par la dimension internationale du web, les enjeux économiques d’un ordre de grandeur inconnu jusqu’à présent et enfin la professionnalisation des pratiques numériques des États et de divers groupes sociaux modifient à la fois les enjeux et la mise en oeuvre de la liberté d’expression.

Les nouvelles technologies ne doivent, ni être acceptées avec une naïveté grégaire, ni être rejetées dans une opposition idéologique systématique. Elles sont là, nous les utilisons tous. L’objectif de ce congrès est avec la communauté scientifique internationale d’interroger les pratiques actuelles et leurs conséquences sur la liberté d’expression qui sont au coeur du fonctionnement des démocraties.

Ce congrès s’inscrit dans la continuité des travaux que l’Unesco mène depuis plusieurs années sur cette thématique (https://fr.unesco.org/themes/favoriser-liberte-expression) notamment la publication annuelle d’un observatoire sur les Tendances mondiales en matière de liberté d’expression et de développement des médias. Les travaux seront regroupés autour de quatre thématiques : les définitions, les lieux, les personnes et les thèmes transversaux.

1. Définition(s)

La recherche de définition d’un concept est à la base de tout travail scientifique. Ce congrès ne fait pas exception à la règle. Quelles ont été les différentes évolutions que la liberté d’expression a connu depuis ses origines grecques ? Comment est-elle définie dans le monde aujourd’hui ? Ses liens avec la démocratie paraissent évidents pour certains, d’autres semblent plus critiques, notamment du fait que chaque liberté individuelle va pouvoir s’opposer à une autre ou à la liberté sociale. Comment les différences que l’on peut constater sont-elles gérées dans les organisations internationales comme l’Unesco ou l’Onu ?

Le développement des nouvelles technologies a modifié l’accès à l’information et à la communication des individus. A-ton à faire à un empowerment des citoyens comme le disent certains ? Comment les législations nationales gèrent-elles cette notion et sa pratique qui est aujourd’hui largement internationalisée par le web ? Certaines activités comme l’information journalistique ou l’art peuvent exploiter systématiquement cette liberté, voire même dépasser volontairement son cadre fixée par la loi. Avec quelles conséquences pour les individus et les sociétés ?

2. Les lieux de la liberté d’expression à l’ère du numérique

La liberté, concept abstrait, ne peut exister qu’en s’inscrivant doit s’inscrire dans l’espace, le premier étant l’école, où les élèves font l’apprentissage de leur métier de citoyen. Même dans les démocraties, les systèmes éducatifs sont très différents : certains donnent peu d’autonomie aux élèves, d’autres davantage. Les contenus d’enseignement et la liberté pédagogique sont également très divers. Les sociétés sont-elles plus ou moins démocratiques selon leur système scolaire ? Après s’être interrogé sur l’éducation aux médias, où en est-on quant à l’apprentissage du numérique ? Donne-t-il plus de liberté aux jeunes ? L’université est naturellement dans la droite ligne de ce développement. Les États y forment leurs futurs responsables et les étudiants sont censés apprendre à exercer leur pensée critique. La numérisation de l’enseignement (par exemple avec les MOOC), de l’ingénierie, de la gestion administrative augmente-t-elle les possibilités pour les étudiants comme pour le personnel de se faire entendre ?

Les médias, sorte d’école des adultes, sont un autre lieu fondamental qui forment et informent les citoyens. La plupart ont aujourd’hui une forme hybride : support traditionnel pour leur public d’âge mur, web pour les plus jeunes. Ont-ils gagné en autonomie ? Informent-ils mieux en ciblant les désirs de leurs lecteurs/ auditeurs/spectateurs ? Les organisations, qu’elles soient publiques ou privées, sont également des lieux de vie sociale et en conséquence des espaces où la liberté d’expression est en jeu. Si la législation encadre assez précisément les plus grandes, qu’en est-il dans les PME ? Comment les organisations utilisent-elles les TIC en interne comme en externe ? Enfin, le web est en train de modifier radicalement les pratiques anciennes d’expression privée et publique en nivelant de plus en plus la différence entre les deux. Peut-on associer visible sur internet et public ? Est-ce que la logique des followers coïncide-t-elle avec celle des sympathisants ? Des flots d’information et de désinformation parviennent chaque jour aux internautes. Sont-ils mieux informés ou bien est-ce trop d’information tue l’information ?

La rue est un autre lieu d’expression qui pose question. Le forum romain ou l’agora grecque sont les premiers lieux d’expression publique. Après avoir été essentiellement une « place du marché », ils sont devenus un lieu de rencontre d’individus de toutes origines sociales et d’expression sur tous les sujets économiques, religieux, judiciaires et politiques. Plus tard, les artistes ont fait des murs leur terrain de jeu et de manifestation à l’image de ces tailleurs de pierre qui exprimaient leur mécontentement sur les sculptures hautes des cathédrales qu’ils bâtissaient ou, plus récemment, de Bansky qui s’expose sur les murs de Londres. L’avènement du numérique, loin de contredire ces modes d’expressions peut-il, au contraire, en être un vecteur ? Dans quelle mesure les médias sociaux numériques facilitent l’organisation de l’expression populaire ? La diffusion numérique de la culture permet-elle un enrichissement des idées qu’elle véhicule ?

3. Les personnes : gouvernants, associations ou simples citoyen(e)s

Si Aristote a été un des premiers à évoquer la séparation des pouvoirs, il faut attendre Locke et Montesquieu pour que soit théorisée la nécessité de séparer l’exécutif du législatif et du judiciaire dans les démocraties représentatives. Qu’est-ce que le numérique a modifié dans la communication des gouvernements, des administrations, des parlements et de la justice avec les citoyens, de manière générale dans la tribune politique ? Ceux-ci peuvent-ils plus facilement faire entendre leur voix ? Comment la e-citoyenneté se développe- t-elle ? Les oppositions politiques, muselées dans les dictatures, sont présentes et actives dans les démocraties. Et elles se fondent sur la liberté d’expression pour modifier les équilibres du pouvoir. Trois catégories sont à distinguer : celles qui acceptent le système, celles qui se réfugient dans l’anonymat et celles qui refusent le système et sont prêtes à entrer dans l’illégalité, voire la violence. Quelle est leur place dans les médias sociaux ? Des groupes, voire des États, peuvent également mettre en péril le fonctionnement des démocraties en diffusant des campagnes de désinformation sur le web. Comment se protéger contre ces dangers viraux venus de l’étranger sans limiter la liberté des citoyens ?

Enfin, la dimension internationale du web donne aussi aux associations et aux ONG une importance croissante : comment gèrent-elles cette communication mondiale ? D’autres groupes sont particulièrement concernés par la liberté d’expression, les minorités, de fait ou bien celles traitées comme telles, qu’elles soient visibles ou pas au niveau de l’espace médiatique. Au premier rang, les femmes : quelles portes les blogs leur ouvrent-ils, celles de l’expression politique au sens large ou celles de domaines où elles restent cantonnées (mode, beauté, psychologie, …) ? Comment les autres minorités (ethniques, linguistiques, religieuses, sexuelles, …) arrivent-elles à faire entendre leurs voix sur le web sans s’enfermer dans un communautarisme réducteur ? Comment résistent-elles aux paroles de haine dont leurs membres peuvent faire l’objet à titre individuel ou collectif sur les médias sociaux?

Enfin, qui sont les exclus de l’Internet qui, pour des raisons techniques, économiques, politiques, psychologiques, sociales, etc ne peuvent pas profiter de la liberté d’expression numérique, faute d’avoir un accès libre à l’outil. Quelles mesures de remédiation sont prises dans les différents pays; et avec quels effets.? Est-ce que le numérique est efficace pour faire accéder les analphabètes et les illettrés à la démocratie ?

4. Les grands thèmes qui déclinent la liberté d’expression à l’ère du numérique et de la diversité des contextes

Le numérique, par sa dimension mondiale, met le droit international face à des problématiques nouvelles. Ce qui est autorisé dans un pays ne l’est pas dans un autre, ce qui est accepté par une culture peut poser problème à une autre. Par ailleurs, une décision de justice peut être difficile à appliquer dans un autre pays. La transparence est l’un des critères essentiels de la communication numérique : il est donc essentiel de savoir qui est le propriétaire ou le financeur d’un site est un élément essentiel. Comment la neutralité du net se met-elle en place dans les différents pays ? Si au lieu d’offrir un service universel, les opérateurs opèrent des choix selon des critères économiques et politiques, la liberté d’expression est remise en cause.

Par ailleurs, la vérité a toujours été un enjeu essentiel de la communication. Les études montrent à la fois l’immanence du concept, mais aussi sa relativité. Si les médias démocratiques prônent et pratiquent une éthique de l’information, le développement de l’infox remet en question les pratiques d’information au point que certains pays veulent même légiférer sur la question. Avec quel effet espéré ? Enfin, que se passe-t-il dans les pays où il peut y avoir un conflit entre la liberté d’expression et la religion ?

Mais le thème qui émerge et qui sera sans doute majeur dans les prochaines années est celui de l’intelligence artificielle (IA). On n’est qu’au début de son développement technique, cela n’empêche pas les sciences humaines et sociales de s’intéresser déjà à ce nouveau phénomène et aux conséquences qu’il est susceptible d’avoir. On peut sans doute considérer l’expression même comme un abus de langage, douter des « vrais » sentiments d’un robot ou s’interroger sur la capacité d’une machine à avoir une conscience, mais la question qu’il faut soulever est de savoir si la liberté d’expression va pouvoir bénéficier de l’IA ou si au contraire elle va trouver en elle un ennemi implacable : les premiers essais de son utilisation pour la veille journalistique et la vérification de l’infox sont en cours.Informations pratiques

Deux publications trilingues sont prévues : la première sous forme papier aux Éditions de l’Immatériel (Paris) dans la collection « Écritures du monde » regroupera les productions des membres d’Orbicom.

La deuxième sera sous forme papier ou électronique avec les textes des autres chercheurs qui auront été sélectionnés par le comité scientifique.

Chaque proposition doit s’inscrire dans un des quatre thèmes proposés. Elle aura la forme suivante.: le nom du ou des auteur(e)s et leur structure de rattachement, un titre, un texte de présentation de 2000 à 3000 signes espaces compris en français, anglais ou espagnol (format word ou compatible) et un résumé de 5 lignes dans une autre des trois langues.

La proposition devra en outre préciser si une participation en présentiel ou à distance est souhaitée. Chaque proposition doit obligatoirement être déposée en ligne sur le site https://chairesunescom.sciencesconf.org

Date limite d’envoi des propositions : 1 décembre 2018

Date de retour des experts : 31 janvier 2019.

Le congrès se tiendra le 13-15 mai 2019 STRASBOURG

La Chaire UNESCO Pratiques journalistiques et médiatiques de l’Université de Strasbourg organise la 8eme rencontre annuelle du Réseau international des chaires UNESCO en communication avec le soutien de ses partenaires

       

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